À partir du 1er juillet 2021 le diagnostic de performance énergétique change et devient opposable. Qu’ est-ce que cela signifie ?
Principalement, deux choses.
Premièrement, la méthode de calcul devient unique quel que soit le logement. Elle n’est plus basée sur les factures, mais sur le potentiel « technique », la performance énergétique a priori, du logement.
Deuxièmement, l’acquéreur, ou locataire, pourra se retourner contre son vendeur ou bailleur si la classe énergétique ne correspond pas au bien qu’il va occuper.
Une philosophie responsabilisante ?
Ce nouveau dispositif montre surtout le peu de confiance que les décideurs continuent à porter aux occupants.
Ces derniers sont pourtant les premiers concernés. Mais au lieu de les informer pour qu’ils puissent prendre leurs responsabilités, la méthode est soit de les contraindre, soit de les « acheter » via des incitations. On fait « profiter » de la prime. Mais il ne s’agit pas de profit ! Mais d’enjeux qui dépassent largement l’aubaine.
Ces incitations ont différentes formes : fiscales, des primes, et des subrogations de financement. Ces dernières sont les plus insidieuses. On peut penser aux certificats d’économie d’énergie, les CEE, que tout un chacun connaît via, par exemple, les travaux à 1€.
Grâce à ces incitations, l’occupant (qu’il soit propriétaire ou pas), engage des travaux, parce qu’il le peut : ces travaux ne lui coûtent rien. « Alors, c’est toujours bon à prendre. »
Sauf que, les sommes investies ne le sont pas là où elles sont le plus efficaces. Et la garantie que les opérations soient faites dans les règles de l’art ne le sont pas. Cela a pour conséquence une performance décevante des travaux, voire, des mises en danger des occupants et du bâti.
Dans la majorité des cas… car il existe, heureusement, des artisans qui travaillent aussi pour le bénéfice du client et des occupants qui réalisent des travaux avisés.
Mais justement, ces personnes avisées ne réaliseraient-elles pas les travaux même si elles n’y étaient pas incitées financièrement ?
Le confort et la prise de conscience de la nécessité de diminuer nos besoins en ressources ne sont-elles pas des motivations suffisantes ?
Nous y reviendrons.
Est-ce à dire que les incitations sont contre productives ?
Parfois, oui, clairement, car elles sont détournées par des opportunistes, ou ne ciblent pas les priorités : on propose une isolation gratuite, sans prendre les autres éléments en compte, comme la production de chaleur, l’étanchéité des menuiseries, le renouvellement d’air…
C’est comme si on changeait de moteur en laissant des pneus crevés.
Commencer par définir ses besoins
J’ai, dans ma famille, un directeur des achats à très haut niveau. Il me dit souvent que là où il fait le plus d’économies pour sa société, et dépasse parfois les attentes, ce n’est pas en obtenant de grosses réductions de ses fournisseurs. Non, ce n’est pas cela. Des fournisseurs trop pressurisés, trop dépendants, ne sont pas fiables, en tout cas sur la durée.
On bénéficie des gains les plus importants lorsque l’on définit ses besoins de manière précise, en passant par-delà les habitudes, et lorsque l’on établit des stratégies à long terme.
Encore une fois, la première étape est le diagnostic.
Dans notre cas, quels sont les éléments qui auront le plus d’impact dans l’économie d’énergie, d’émissions de GES et dans l’utilisation de ressources ?
Et surtout, est-ce que cela va dans le sens du confort des occupants et de leurs habitudes ?
Alors effectivement, on décentralise la prise de décision au niveau de chaque occupant.
Et cela peut paraître, au premier abord difficile, de définir une politique publique dans ces conditions.
Les conséquences du DPE 2021.
Revenons à ce DPE 2021.
Le législateur a souhaité rendre plus lisible ce diagnostic et lui apporter la notion d’émission de gaz à effet de serre. Avec la volonté de faire converger les efforts en vue d’atteindre les engagements liés à la lutte contre le changement climatique.
Le calcul ne prend maintenant plus en compte les consommations réelles pour établir la classification du bâtiment (méthode de calcul), mais la « méthode 3CL » remaniée.
Cela revient encore à analyser la production de chauffage et les performances du bâtiment (nature de l’enveloppe, de l’isolation). L’ancien DPE intégrait la production d’eau chaude sanitaire. Il est maintenant complété par toute la consommation de la maison.
Alors bien sûr, cela va dépendre de l’équipement du logement et de la manière dont il est habité et des habitudes des occupants.
La consommation réelle va également dépendre de la météo.
La visée du DPE 2021 est donc de plusieurs ordres :
- Sensibiliser les occupants et les propriétaires à la performance énergétique du bien. Ceci via un code couleur et des lettres. C’est simple à comprendre. Plus c’est vert, mieux c’est, plus c’est rouge, moins bien c’est.
Une récente étude menée par OpinionWay indique que les acteurs du marché de l’immobilier commencent à prendre en compte l’étiquette énergétique. - Si un bien a une mauvaise performance, inconsciemment, il a une valeur moindre pour les acheteurs.
- Cette classification ne dépend pas des occupants ni du climat, on peut donc comparer les biens entre eux, avant et après travaux.
- Cette classification devenant un outil légal, peut apparaître dans les contrats, les objectifs à atteindre (contrats liés aux travaux, baux, contrats d’assurance).
- Cela permet aussi de faciliter la remontée de données statistiques et de mesurer la performance des sommes astronomiques investies (par l’État ou autres) et savoir si la politique mise en œuvre est performante.
Car, ne l’oublions pas, l’objectif n’est pas tant de réaliser de belles statistiques que de diminuer les besoins énergétiques liés à l’habitat et au bâtiment en général.
On doit également diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre.
“Le fait que l’étiquette énergétique soit imposée dans les annonces publiées change la donne », explique à Batiactu Séverine Amate, porte-parole du groupe SeLoger. « Il y a un véritable conditionnement des esprits ces dernières années. Au même titre que les étiquettes alimentaires, les acheteurs regardent l’étiquette de leur futur logement.” Batiactu
L’enfer est pavé de bonnes intentions.
La méthode de calcul de ce DPE 2021 semble un peu plus fiable que l’ancien. Mais il reste un outil statistique.
Faisons un parallèle avec l’automobile. Encore une fois…
Prenons un SUV hybride rechargeable qui consomme 2l/100 et émet 34g/CO2/km. Ces données correspondent à une situation théorique, déterminée, mesurable en laboratoire.
Si on se fixe sur cette consommation, cette voiture semble très vertueuse.
Si l’utilisateur ne fait que des trajets de moins de 20km/jour, roule sur la charge de sa batterie. Cette consommation sera même moindre et tendra vers 0 à l’année.
Si en revanche, le propriétaire ne s’en sert que pour faire des trajets longs, sur autoroute, à 130km/h en omettant de recharger la batterie, sa consommation risque d’avoisiner les 12l/100km…
Et bien, dans le bâtiment, il ne faut pas s’y tromper, c’est exactement la même chose.
Le DPE 2021
Le nouveau diagnostic de performance énergétique.
Les témoignages le confirment, la performance théorique et réelle sont parfois opposées, parfois convergentes, parfois très éloignées.
J’en prends l’exemple d’un thermicien que j’ai rencontré, très attentif à la performance de son propre habitat. La consommation réelle de son logement est deux fois moindre que celle indiquée par son DPE (version ancienne). Je vous laisse imaginer l’opinion qu’il a de cette méthode de classification DPE basée sur les performances théoriques du bâtiment…
Vous me direz, c’est un cas à part.
Pas tout à fait.
“La performance énergétique des bâtiments dans le temps : retour d’expérience”
Le Cerema, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement est un organisme placé sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires.
Cet organisme vient de livrer les résultats d’une étude sur la performance énergétique du bâtiment. Cette étude porte sur 170 bâtiments sur une période de 10 ans.
Les résultats ne sont pas ceux… “attendus”.
En résumé, les performances attendues ne sont pas atteintes.
L’écart entre performances attendues à la conception, et les consommations réelles, s’explique par « par la prise en compte partielle et forcément imprécise des conditions d’occupation, par les performances réelles des composants et par leurs conditions de mise en œuvre ».
L’étude pointe également du doigt le rôle primordial de l’utilisateur. Ce n’est pas encore évident pour tout le monde, mais il indique également la nécessaire prise en compte de tout le cycle de vie du bâti. Pas uniquement le recyclage et l’usage, mais aussi les conditions de production des ressources nécessaires à la construction et de réalisation consciencieuse.
Le rôle de l’occupant est primordial. Et pourtant, il est déresponsabilisé.
On peut reconnaître à ces étiquettes la sensibilisation à la performance énergétique.
Sensibilise-t-elle à la nécessité de consommer moins de GES, de ressources, comment atteindre le confort ?
On peut en discuter.
Certes, diminuer sa consommation d’énergie, choisir un mode de production performant, limiter ses émissions de CO2 est bien sûr louable.
Mais, la performance des incitations pourrait être encore décuplée si l’occupant comprenait ce qu’il faisait, comment ses habitudes pourraient lui permettre de moins consommer. Et encore mieux d’atteindre un meilleur niveau de confort.
On délègue à des professionnels qui sont censés savoir, suivre des règles qui sont bonnes pour nous, la société, la planète.
Le critère économique, ce qui touche à notre porte monnaie est un moteur important pour mettre en mouvement les donneurs d’ordre.
Il existe pourtant d’autres motivations.
Tout un chacun souhaite bien faire. Encore faut-il qu’il sache en quoi il peut bien faire.
Et plus la motivation est forte et légitime, moins il en coûtera, en effort, et en argent !
Expliquer, apprendre les gestes simples, comprendre les situations d’inconfort, générer les situations de confort.
Et si on imaginait pouvoir expliquer en quelques heures comment parer aux urgences liées aux défauts des habitats qui génèrent de l’inconfort ?
On sent le froid, l’air moite. La solution la plus courante, est : on monte la chaudière, les thermostats, on ouvre les robinets.
Il y a pourtant d’autres solutions.
Alors, bien sûr il faudra réaliser des travaux pour “soigner son habitat”, corriger les défauts de conception. Mais plutôt que de se lancer, tête baissée, sur la première opportunité financière, mieux vaudrait :
- Apprendre à corriger les situations d’inconfort par des solutions “légères” et temporaires
- Prendre le temps de déterminer les travaux qui ont le plus d’impact sur le confort et la diminution des consommations d’énergie.
- Les prioriser, et selon la situation, profiter, (ou pas !), des opportunités financières.
En conclusion
Le DPE 2021 est un outil de sensibilisation à la consommation des ressources, des émissions des gaz à effet de serre.
Mais il ne faut pas tout attendre d’un label et d’un outil de mesure thérorique, tel qu’une consommation de carburant fournie par le constructeur.
Même si les moteurs sont plus performants, les consommations ne diminuent pas, les budgets liés au carburant augmentent, parce que les gains de performance liés au moteur sont perdus par le poids de la voiture !
Ne tombons pas dans les mêmes travers dans le bâtiment.
Car n’oublions pas l’objectif : ce n’est pas qu’un maximum de bâtiments soient notés A & A, ornée d’un joli vert…
…mais que nos émissions de gaz à effet de serre diminuent globalement, que nous préservions les ressources en attendant de créer une société durable.
Pour lire l’étude (cliquer sur le titre): « Bâtiments démonstrateurs à basse consommation d’énergie Enseignements opérationnels Évaluations 2012-2019 »
Un excellent article qui démystifie des promesses qui ne seront probablement pas tenues.
Merci pour cette analyse
Merci Claude !